Mon roman, Éclatante sera ma vengeance, sort jeudi 4 avril chez Poulpe Fictions et c’est sans aucun doute l’un de mes textes préférés. Il aurait pu paraître chez Didier jeunesse, à côté d’Ali Blabla et de Double 6, mais le destin en a décidé autrement puisque c’est dans le catalogue de Poulpe Fictions qu’il va finalement trouver sa place, et j’en suis ravi !
Je vous livre ici quelques réflexions autour de ce roman.
Pitch
Pas facile de résumer cette histoire pleine de péripéties !
Voici le texte qui figure sur le plat 4 de couverture :
Marion Pique avait une vie parfaite au palais de son père… jusqu’à une attaque dévastatrice, commanditée par un mystérieux ennemi. Seule rescapée du drame, Marion souhaite par-dessus tout venger les siens… sauf qu’elle est elle-même toujours menacée !
Pour survivre et mener sa quête, elle n’a d’autre choix que d’apprendre à se défendre en se faisant passer pour un apprenti chevalier. Avec l’aide de son ami Arnaud, Marion parviendra-t-elle à obtenir justice et à trouver sa place ?
Illustrations
Elles sont signées Xavier Collette ; j’ai été gâté !
Chacune des trois parties de l’ouvrage s’ouvre sur une pleine page et chacun des dix-sept chapitres est illustré par un cabochon (comme ceux que j’ai intégrés dans cet article).
J’adore la couverture. Ça a été un gros boulot pour l’illustrateur !
Voici deux roughs successifs de Xavier qui tiennent compte des remarques des éditrices. On voit notamment que la posture de l’héroïne, le cadrage et la typographie on évolué…
Travestissement
Pour échapper aux assassins de sa famille qui pourraient être tentés de la rattraper et de la tuer à son tour, Marion se déguise en garçon sur les conseils de l’armurier du village qui l’a secourue : elle se coupe et se teint les cheveux, et emprunte des vêtements masculins.
Pour devenir un autre tout en restant elle-même, mon héroïne se choisit le prénom de « Romain », double anagrammatique de « Marion ». On ne se refait pas, j’ai une passion pour les anagrammes !
Ce travestissement entraînera bien sûr maints quiproquos avec les personnages qu’elle va côtoyer, à commencer par son compagnon, Arnaud, et la fille de son seigneur, Agnès, qui va tomber amoureuse de lui/d’elle.
Je ne sais pas comment j’ai eu cette idée, mais il y a deux œuvres qui me viennent à l’esprit pour illustrer le thème du travestissement d’une fille en garçon ; deux œuvres que je connais bien, même si je ne les ai pas revues depuis des années :
– La Nuit des rois de William Shakespeare, où Viola se fait passer pour un jeune homme (Césario) afin de paraître à la cour du duc Orsino ;
– Victor Victoria de Blake Edwards, où Victoria Grant se fait passer pour un homme afin d’être engagée dans un spectacle de travestis.
Poésie
Certains de mes romans mêlent prose et poésie. C’est le cas également de mon dernier roman.
– Dans Qui veut le cœur d’Artie Show ?, un « serial lover » envoie à plusieurs filles du collège des poèmes d’amour qu’il signe de ce mystérieux pseudonyme ;
– Dans Ali Blabla, le héros raconte en vers les déclarations d’amour, plus minables les unes que les autres, des quarante prétendants venus faire leur cour à une princesse des Mille et Une Nuits ;
– Et dans Double 6, Hadrien se lance dans l’écriture de haïkus pour séduire son amoureuse franco-japonaise, Midori ;
– Dans Éclatante sera ma vengeance, c’est le métier de troubadour des protagonistes (Jeanne, la mère de Marion, et Arnaud, le compagnon de route de la jouvencelle), qui justifie l’insertion d’un certain nombre de poèmes dans le récit : lais, ballades, chansons… Voici trois strophes respectivement tirées de la Ballade du Troubadour de Jeanne Pique,
d’un lai de Marion dédié à son cheval Jovial et de la Chanson de Romain composée par Arnaud :
Titre
Comme Joyeuse, Durandal et Excalibur sont les noms des épées respectives de Charlemagne, Roland et Arthur, Éclatante est le nom (un tantinet violent) que Marion donne à son épée. Le titre du roman a ainsi un double sens : la vengeance de Marion sera éclatante et acquise à la pointe de son épée.
Moyen Âge
J’ai toujours été attiré par le Moyen Âge et l’heroïc fantasy. À l’adolescence, je me suis pris de passion pour les romans de la Table ronde, pour Le Seigneur des anneaux et Bilbo le hobbit – au lycée, j’étais un adepte du jeu de rôle Donjons et Dragons, tiré de l’univers de J. R.R. Tolkyen – et pour les bandes dessinées La quête de l’oiseau du temps de Régis Loisel et Serge Le Tendre, et Les compagnons du Crépuscule de François Bourgeon.
Il y a une dizaine d’années, je me suis plongé dans l’œuvre de Jean d’Aillon, et en particulier dans ses deux séries médiévales, très documentées, Les aventures de Guilhem d’Ussel, chevalier troubadour, dont l’action se déroule à la fin du 12e siècle, au temps de Philippe Auguste et de Richard Cœur de Lion, et Les chroniques d’Edward Holmes et Gower Watson, au début du 15e siècle. J’ai également suivi avec ferveur la série Game of Thrones.
Si j’ai déjà écrit un documentaire (Les châteaux forts, chez Flammarion), deux premières lectures (Le hoquet du roi et L’ogre mastoc de Toutentoc, chez Hatier) et un album (La fée Polly Tess, et le chevalier qui ne connaissait pas les mots magiques, chez Larousse), c’est la première fois que je situe l’action d’un de mes romans au Moyen Âge.
Enfin, au Moyen Âge, c’est une façon de parler car d’une part, je n’ai pas mentionné de dates et j’ai inventé les noms de lieux ; d’autre part, je ne me suis pas privé d’introduire dans le roman quelques créatures fantastiques. Ce n’est donc pas un roman historique, mais ce n’est pas non plus de la fantasy : je n’en connais pas vraiment les codes. J’ai écrit ce que j’avais envie d’écrire sans trop me soucier de ce qui se faisait. J’aime les contraintes d’écriture, mais pas rentrer dans des cases !
Harry Potter
Une de mes jeunes lectrices a cru voir dans mon roman plusieurs allusions à Harry Potter. Ça m’a surpris autant qu’amusé. J’aime beaucoup cette série, je la trouve extrêmement réussie et elle mérite son succès. Mais pas un instant, je n’ai pensé à Harry Potter en écrivant cette histoire. J’ai compris que cette jeune femme était entrée en littérature avec Harry Potter et qu’elle n’avait peut-être pas toutes ces références. Ainsi, les créatures fantastiques, je les trouvées dans le bestiaire médiéval, tout comme J. K. Rowling.
Quant à la partie d’échecs grandeur nature que je place dans mon roman, elle est inspirée de ma propre histoire de joueur d’échecs – lors de mes études supérieures, en 1989, j’ai disputé une partie d’échecs dont les pièces et les pions étaient les élèves de première année (les bizuts) et l’échiquier un quadrillage très irrégulier sur le sable d’une plage. Les échecs sont par ailleurs le jeu par excellence des seigneurs et des chevaliers du Moyen Âge…
Il y a en revanche, dans mon livre, des clins d’œil à Bilbo le hobbit (le jeu d’énigmes), au Vaillant petit tailleur des frères Grimm (la licorne) et à Indiana Jones (les pièges du labyrinthe). Je n’ai ni revu ni relu ces œuvres, mais leur souvenir est ancré dans ma mémoire !
Féminisme
Dans ce roman, je mets en scène une héroïne forte
– à laquelle les lectrices peuvent s’identifier ;
– dont la personnalité et le parcours peuvent aussi faire réfléchir les garçons.
Car il va de soi que je m’adresse aux garçons comme aux filles.
Marion ne naît pas héroïne, elle le devient au cours de sa quête. Certes, elle est douée (pour les échecs, la musique, le maniement des armes…), mais elle cultive ses talents, elle travaille avec acharnement pour s’améliorer sans cesse. C’est face aux épreuves qu’elle va se révéler indépendante, courageuse, volontaire et intègre ; qu’elle va se montrer digne du serment de chevaleresse qu’elle a prêté.
Marion est exceptionnelle, mais elle n’est pas surhumaine : elle doute beaucoup, de tout, et d’abord d’elle-même (même si à l’occasion, elle peut être orgueilleuse). Elle doute aussi de sa foi (Dieu n’a-t-il pas laissé périr sa famille dans des conditions atroces ?) et de ses sentiments (elle s’interroge sur l’amour, et en particulier sur l’amour pour une autre fille).
Les gens qui l’entourent n’imaginent pas un instant qu’elle puisse être une fille. Certes, elle est habillée et coiffée comme un garçon, mais sa voix aiguë, son visage imberbe, ses goûts… pourraient donner des doutes au seigneur qu’elle sert, à sa famille et à ses courtisans. Or, son adresse au combat, sa bravoure… ne sauraient être attribuées, dans leur esprit, qu’à un homme !
Religion
Même si le roman n’est pas à proprement parler historique, je situe l’action au Moyen Âge, à une époque, donc, où la religion (chrétienne) a une place très importante. C’est pourquoi dans mon roman, je fais de nombreuses allusions à Dieu et au diable. Ce n’est en aucun cas du prosélytisme. D’ailleurs, mon héroïne doute de sa foi, de la position de l’Église sur certains sujets (comme l’homosexualité), de ce qui lui apparaît comme des superstitions idiotes (celles qui concernent ses doigts surnuméraires, par exemple) et le chapelain que je mets en scène est plutôt antipathique…
Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne lecture !