Parution : L’Enfonceur de portes ouvertes

Invité au salon Étonnants voyageurs de Saint-Malo, en mai dernier, j’avais préparé quelques notes à propos de l’écriture de L’Enfonceur de portes ouvertes. Je vous les livre ci-dessous.

Le point de départ de ce livre, c’est L’Avaleur de couleuvres – l’un de mes premiers livres –, paru aux 400 coups en 2001 : un garçon crédule prend au pied de la lettre une remarque de son frère et devient avaleur de couleuvres, un mélange de charmeur de serpents et d’avaleur de sabres. Dans cet album qui a pour cadre le cirque, je joue avec le sens propre et le sens figuré de l’expression « avaler des couleuvres » et j’en fais un métier du cirque, à mi-chemin entre l’avaleur de sabres et le charmeur de serpents, « l’avaleur de couleuvres ». Huit ans plus tard, je reprendrai ce métier pour en faire un de mes quelque cinquante métiers improbables. En voici l’interprétation de Catherine Meurisse :

avaleur_de_couleuvres-4bcecDans L’Enfonceur de portes ouvertes, j’exploite donc un certain nombre d’expressions de la langue française, mais celles-ci doivent obéir à une triple contrainte : être « substantivables » (« broyeur de noir » d’après « broyer du noir »), suffisamment loufoques (contrairement à « accordeur de violons », par exemple, trop réaliste) et transformables en métier (un métier rémunéré et exercé par un certain nombre de personnes).

Aussi ce livre est-il en quelque sorte un guide des métiers, ou un anti-guide plutôt, car ces métiers non seulement sont farfelus, mais sont le plus souvent à déconseiller formellement aux jeunes.

Dans chaque portrait, je décris le métier en mêlant sens propre et sens figuré – ainsi, le broyeur de noir broie des objets noirs et n’a jamais le moral – et j’installe l’univers spécifique à ce métier : par exemple, un salon de thé pour le casseur de sucre sur le dos, un club de danse pour le casseur de pieds, une chocolaterie pour le metteur en boîte, un garage pour le rouleur de mécaniques, un atelier de ferronnerie pour le faiseur d’étincelles.

Je me suis efforcé aussi de respecter l’origine de l’expression, mais il y a des exceptions, comme le vendeur de mèches qui vend non pas des mèches d’artillerie, comme le voudrait l’expression, mais de cheveux.

À plusieurs reprises, je fais des allusions à d’autres métiers du livre : pour mettre en évidence des synonymies (passeur de pommade, lécheur de bottes et cireur de pompes, peigneur de girafes, tourneur de pouces et enfileur de perles) ; pour signaler tel paradoxe (passeur de pommade et passeur de savons ont des sens propres voisins mais des sens figurés opposés) ; ou par jeu, pour des questions de logique interne (le vendeur de mèches vend les mèches du coupeur de cheveux en quatre, le preneur de mouches vend ses insectes à l’enculeur de mouches).

Je tenais à ce que chaque expression ait sa définition : tout le monde connaît ces expressions, mais pas toujours leur sens exact. Pour éviter qu’elles ne soient trop pesantes, la graphiste a eu l’idée de les intégrer dans les illustrations jusqu’à les dissimuler. La recherche de la définition en est devenue très ludique !

Comme L’Enfonceur de portes ouvertes s’adresse aux ados et aux adultes, il aurait pu mener sa vie de texte seul dans des pages en noir et blanc, mais son destin a voulu qu’il soit présenté dans l’écrin d’un album illustré. Si j’aime particulièrement ce texte, le livre doit énormément au talent de la graphiste et plus encore aux illustrations géniales de Catherine Meurisse. Catherine a su apporter son univers à côté du mien, sans le répéter, sans le contredire, en ajoutant sa part de poésie et d’humour. J’aimais déjà beaucoup son travail, mais j’ai été comblé avec les illustrations de ce livre. En voici trois que je trouve particulièrement inventives :

le cireur de pompes

cireur_de_pompes-79f4bl’enfileur de perles

enfileur_de_perles-28bebet le fileur de mauvais coton…

fileur_de_mauvais_coton-127ff
Mais je reviendrai sur les illustrations de ce livre dans un autre billet.