Parution : Attention, livre méchant !

Un an après Le Violon et le Démon, je viens de publier un deuxième livre chez Oskar Jeunesse, Attention, livre méchant ! Dans ce petit roman pour les 8-10 ans, deux enfants, qui passent un dimanche à la campagne chez leur grand-père, tombent sur un livre magique et subissent ses mauvais traitements.

Ces deux livres ont en commun l’irruption du fantastique dans le quotidien : dans le premier, un démon, qui se cache sous les traits d’un luthier, tente d’acheter les âmes des violons égarés, dans le second, un livre magique, qui ne supporte pas qu’on le lise « mal », bat les mauvais lecteurs.

Tous les deux aussi ont un caractère autobiographique. Le violon et le démon renvoie à mon propre apprentissage de la musique, à ma frustration d’adolescent de faire du violon quand je rêvais de faire du sport, à ma honte de jouer du classique quand mes camarades ne juraient que par la variété ou le rock, aux longues heures passées à pratiquer un instrument que je n’aimais pas assez pour consentir ces sacrifices, aux auditions que je détestais tellement que je me serais entaillé le doigt pour y échapper… Je suis même passé à l’acte ! Depuis quinze ans environ que j’ai goûté aux joies du quatuor à cordes – en tant que violoniste d’abord, puis en tant qu’altiste –, je sais gré à mes parents d’avoir tenu le cap. Leurs efforts – et les miens ! – ont été récompensés !

Attention, livre méchant ! aborde, lui, la question des relations entre un grand-père et ses petits-enfants. Ce sujet me tient particulièrement à cœur car mon grand-père paternel a beaucoup compté dans ma vie. Et quand mes enfants sont nés, j’espérais secrètement qu’ils trouveraient en la personne de mon père un grand-père du même acabit. Pas si simple, l’art d’être grand-père n’est pas à la portée de tous !

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La ressemblance du grand-père de mon livre, Bernie, avec mon père, Bernard, n’est pas fortuite ! Mais loin de moi l’idée de le stigmatiser dans ce livre. Il faut plus voir dans certaines des répliques de Bernie des clins d’œil à mon père – ou à mon grand-père – que des critiques. C’est ainsi, je crois, qu’il a lu le texte. D’ailleurs, il n’y a pas de quoi s’offusquer d’apparaître sous les traits de ce grand-père maniaque et maladroit alors qu’il devient un « superpapi » à la fin de l’histoire – un grand-père pouvant en cacher un autre ! –, et qu’il est le dédicataire de mon roman ?

Ce n’est pas la première fois que j’introduis dans mes livres des éléments autobiographiques, m’inspirant pour tel personnage de quelqu’un que je connais, quitte à le travestir sous d’autres traits, décrivant des lieux ou des objets familiers… Et pourquoi pas ? Ces emprunts à mon propre univers n’enlèvent rien à l’histoire. Cela dit, s’ils sont neutres pour la plupart des lecteurs, ils peuvent interpeller mes proches qui me prêtent parfois des intentions que je n’avais pas ou croient se reconnaître ou reconnaître quelqu’un derrière tel personnage. Tout est sujet à interprétation !

Ainsi, d’aucuns s’étonnent que le père de mes deux héros n’apparaisse pas dans le livre et s’interrogent : cela cacherait-il quelque chose ? Qu’on se rassure, rien d’autre que le choix de ne pas encombrer ce court récit de personnages secondaires. Au lecteur de décider si le père est en déplacement ce dimanche-là, s’il n’a pas envie d’aller voir sa belle-famille ou si les parents sont séparés… Il en est de même pour le grand-père qui, pour les mêmes raisons, est veuf ou séparé. Quant aux deux héros, ils n’ont rien de commun avec mes propres enfants !

Livre fantastique, livre sur les relations d’un grand-père et ses petits-enfants, Attention, livre méchant ! est aussi un livre anti-sexiste !

La polémique du moment sur la « théorie du genre » redonne un coup de projecteur sur la production de l’éditeur Talents hauts, chez qui j’ai notamment publié Alex l’extraterrestre. Lorsqu’un extraterrestre du nom d’Alex arrive à l’école, les élèves n’arrivent pas à savoir s’ils ont affaire à une fille ou un garçon : ni son physique, ni son prénom épicène – porté indifféremment par les filles ou les garçons – ne leur donnent d’indications sur son sexe. Pour en avoir le cœur net, ils vont donc émettre des hypothèses en s’appuyant sur son caractère et sur ses goûts, que l’on attribue communément pour les uns aux filles, pour les autres aux garçons.

De la même façon, dans Attention, livre méchant !, je m’amuse à prendre le lecteur en flagrant délit de sexisme : Sacha et Camille sont aussi des prénoms épicènes – certes, Sacha est moins couramment donné aux filles –, et une fois encore, ce sont les goûts, les comportements, les caractères des deux héros – et la longueur de leurs cheveux ! – qui vont piéger le lecteur lorsqu’il projettera ses propres représentations des filles et des garçons sur les deux personnages. Quant à moi, j’ai fait en sorte de ne pas me trahir en employant malencontreusement les marques grammaticales du féminin pour évoquer Sacha et Camille.

Un dernier mot sur les illustrations. Elles sont dues au talentueux et non moins sympathique Roland Garrigue. J’ai eu la chance de travailler avec lui, en tant qu’éditeur chez Nathan, sur le singulier Livre des trous, en 2005 – l’un de ses tout premiers livres –, puis sur Aïe, prout, atchoum, en 2009.